Alors que la 7e et dernière édition de la Biennale de Lubumbashi (2022) abordait la toxicité résiduelle de plus d’un siècle de colonialisme et d’extraction massive dans la région (Katanga – Copperbelt), la prochaine édition adopte la pensée et l’héritage du philosophe Valentin-Yves Mudimbe, originaire de Likasi, notamment à travers des concepts décoloniaux tels que « reprendre », la « bibliothèque coloniale » ou le « gnose » (africain). La philosophie de réévaluation de Mudimbe, à la lumière des pratiques artistiques soutenues par l’Atelier Picha, offre un cadre curatorial complémentaire qui apporte une bouffée d’air frais à la Toxicité.
En partenariat avec l’Université de Lubumbashi, qui accueille désormais la bibliothèque personnelle de Mudimbe, la 8e édition de la Biennale de Lubumbashi adoptera un nouveau format prolongé et segmenté, pensé sur le long terme. Elle débutera par un moment de rassemblement multimodal (conversations, expositions, performances, ateliers) autour de cet héritage monumental.
Conçu comme un point de départ, ce rassemblement vise à développer une méthodologie décoloniale où les arts et les sciences sociales et humaines jouent un rôle clé dans la relecture et la réévaluation de notre histoire globale. Mudimbe a toujours insisté sur la nécessité de libérer la production de connaissances africaines du cadre de pensée occidental. Son invitation à nous réinventer en dehors de L’Odeur du Père (1982), accompagnée du retour physique de sa collection littéraire des États-Unis vers la RDC, représente un mouvement de restitution que nous accueillons collectivement. L’odeur auquel il fait allusion dans cet ouvrage référence a imprégné et intoxiqué l’environnement naturel, socio-culturel et intellectuel de la région, ce que de nombreux projets et productions soutenus par Picha ont mis une lumière au fil des années.
Ce retour offre l’opportunité de réduire notre trajectoire, en faisant appel á notre capacité ainsi qu’à notre courage d’emprunter de nouvelles voies qui réinscrivent le capital de manière transversale, mais aussi de regarder l’histoire différemment. Il est maintenant temps de faire le point sur les bibliothèques, les formes de transmission et de production de connaissances qui ont informé notre perception du monde, nos pratiques situées et globales. En accordant une place centrale à la pensée philosophique de Mudimbe, tout en s’attaquant a la toxicité ambiante, la 8e edition de la Biennale de Lubumbashi crée un cadre de réflection artistique processus de recherche collaboratif et créatif visant la vérité, la valorisation des savoirs endémiques et la dignité.
Les travaux et propositions curatoriales de cette Biennale se dérouleront dans un esprit convivial de reprise, reprenant les nombreuses perspectives soulevées par les éditions précédentes, et introduisant de nouvelles initiatives/projets à un rythme qui peut révéler les potentialités et les enchevêtrements inévitables qu’implique la philosophie appelante de Mudimbe.

Curatorial Statement
While the 7th and final edition of the Lubumbashi Biennale (2022) addressed the lingering toxicity of more than a century of colonialism and massive extraction in the region (Katanga – Copperbelt), the upcoming edition embraces the thought and legacy of the philosopher Valentin-Yves Mudimbe, originally from Likasi. It will explore decolonial concepts such as “reclaiming,” the “colonial library,” and “gnosis” (African knowledge). Mudimbe’s philosophy of re-evaluation, in light of the artistic practices supported by Atelier Picha, offers a complementary curatorial framework that brings a breath of fresh air to the theme of Toxicity.
In partnership with the University of Lubumbashi, which now houses Mudimbe’s personal library, the 8th edition of the Lubumbashi Biennale will adopt a new, extended, and segmented format designed for the long term. It will begin with a multimodal gathering (conversations, exhibitions, performances, and workshops) centered around this monumental intellectual legacy.
Conceived as a starting point, this gathering aims to develop a decolonial methodology in which the arts and social sciences play a key role in reinterpreting and reassessing our global history. Mudimbe has always emphasized the need to free African knowledge production from the constraints of Western thought. His invitation to reinvent ourselves outside of The Smell of the Father (1982), along with the physical return of his literary collection from the United States to the DRC, represents a movement of restitution that we collectively welcome. The “smell” he references in this seminal work has permeated and intoxicated the region’s natural, socio-cultural, and intellectual environments—an issue that many projects and productions supported by Picha have shed light on over the years.
This return presents an opportunity to slow down our trajectory, calling upon our ability and courage to explore new paths that redefine capital in a transversal manner while allowing us to view history differently.
Now is the time to take stock of libraries, transmission methods, and knowledge production systems that have shaped our worldview, our localized, and global practices. By placing Mudimbe’s philosophical thought at the center while addressing prevailing toxicity, the 8th edition of the Lubumbashi Biennale establishes an artistic framework for reflection—a collaborative and creative research process aimed at truth, the valorization of indigenous knowledge, and dignity.
The works and curatorial proposals of this Biennale will unfold in a spirit of reclaiming, drawing from perspectives raised in previous editions while introducing new initiatives and projects at a pace that reveals the potentialities and inevitable entanglements that Mudimbe’s calling philosophy implies.